Édition 2024

Les lauréats

Cadets

Pas de lauréat sur 9 candidats
Dictée : NYS-MAZURE, Colette, Secrète présence, Paris, Desclée de Brouwer, 2013, p. 32.

Juniors

1 lauréate sur 5 candidats
Dictée : SCHMITT, Éric-Emmanuel, Les Perroquets de la place d’Arezzo, Paris, Éditions Albin Michel, 2013.

Nom et prénomÉtablissement
UGRU Meryemce Athénée Adolphe Max

Adultes

Pas de lauréat sur 60 candidats
Dictée : SCHMITT, Éric-Emmanuel, Les Perroquets de la place d’Arezzo, Paris, Éditions Albin Michel, 2013.

Pour la première fois depuis la fondation des Championnats d'orthographe en 1971, il n'y a aucun lauréat adulte.

Les dictées

Dictées des cadets

Un accident

Une de mes petites-filles court devant moi, chiot fou. Je la vois pénétrer dans une maison inconnue et tomber sur les braises d’un feu ouvert, bizarrement construit dans l’entrée. Je me précipite pour l’arracher au foyer, mais elle n’y est déjà plus, ayant roulé à l’arrière de la cheminée. Je la saisis tout étourdie dans mes bras, constate que son pyjama en coton blanc à motifs noirs l’a partiellement protégée de brûlures (ou brulures) qu’un tissu synthétique aurait aggravées en fondant.

Je me souviens qu’il faut faire couler l’eau en abondance sur la peau, je l’emporte vers la salle de bain (ou salle de bains), mais quelqu’un prend une douche brûlante (ou brulante) ; la fumée, le bruit l’empêchent de percevoir mon appel. Avec la petite fille pendue à mon cou, je tambourine en vain contre la paroi translucide.

NYS-MAZURE, Colette, Secrète présence, Paris, Desclée de Brouwer, 2013, p. 32.



Dictée des juniors

Prélude

Quiconque arrivait sur la place d’Arezzo éprouvait un sentiment d’étrangeté. Si d’opulentes maisons en pierres et briques de style versaillais bordaient un square rond où gazon d’ombre, rhododendrons et platanes développaient une végétation nordique, une pointe d’atmosphère tropicale chatouillait les sens. Rien d’exotique pourtant dans ces façades équilibrées, ces hautes fenêtres à petits carreaux, ces balcons torturés par le fer forgé ou les coquettes mansardes qu’on louait à prix d’or ; rien d’exotique non plus en ce ciel souvent gris, chagrin, dont les nuages frôlaient les toits d’ardoises.

Tourner la tête ne suffisait pas à saisir ce qui se passait. Encore fallait-il savoir quoi regarder.

Les promeneurs de chiens devinaient les premiers ; à suivre leur limier qui, truffe au sol, sillonnait le terrain avec frénésie, ils remarquaient les déchets organiques jonchant la pelouse, courtes déjections sombres auréolées de pourriture blanche ; alors, leurs yeux montaient le long des troncs et ils apercevaient les insolites constructions naturelles obscurcissant les branchages ; puis une aile colorée s’agitait, un caquètement perçait la feuillée, des stridences escortaient l’essor multicolore des volatiles, et les badauds comprenaient que la place d’Arezzo cachait une foule de perroquets ou de perruches.

Comment de telles bêtes, issues d’horizons lointains, d’origine indienne, amazonienne, africaine, pouvaient-elles vivre à Bruxelles, libres, en bonne santé, malgré le climat maussade ? Pourquoi au cœur du quartier le plus huppé ?

SCHMITT, Éric-Emmanuel, Les Perroquets de la place d’Arezzo, Paris, Éditions Albin Michel, 2013.



Dictée des adultes

Ève

– Que tu es jolie, toi !

Ève s’adressait à la perruche qui s’était posée sur sa fenêtre. Dodue dans son plumage vert-jaune, l’oiselle, peu farouche, arborait de délicats traits noirs qui dessinaient un masque autour de son bec et de ses yeux sombres.

– Oh, tu t’es maquillée ? Tu es vraiment jolie comme ça !

La perruche se rengorgea, frétilla, dansa d’une patte sur l’autre, à l’évidence sensible à la flatterie. Elle ignorait qu’Ève aurait envoyé le même compliment à un moineau, une hirondelle, un papillon, une coccinelle, un matou errant, bref à n’importe quelle créature qui se serait aventurée sur les jardinières de son balcon, car Ève trouvait tout joli : Bruxelles, son quartier, son immeuble, la place aux oiseaux, son appartement, ses meubles, sa chatte Barbouille, ses différents amants.

Jamais elle ne relevait les aspects répugnants de l’existence. Ainsi n’avait-elle pas remarqué que son domicile manquait d’un ascenseur ni que les volatiles exotiques polluaient la place d’Arezzo. Elle n’avait pas non plus repéré en Barbouille un félin braque, hystérique, tyrannique, qui déchirait les tissus pendant son absence et marquait les meubles de son urine – elle se contentait de demander à Mabel de nettoyer puis de changer régulièrement rideaux, coussins, dessus-de-lit, fauteuils. Pas davantage elle n’avait conceptualisé que ce qu’elle appelait ses histoires d’amour pouvait être baptisé d’un nom plus infamant : chaque fois en effet, les messieurs qui l’adoraient étaient âgés, nantis, et lui offraient beaucoup d’argent… L’idée qu’elle fût une poule de luxe ne l’effleurait pas. Une fois pourtant, lorsque cette invective était arrivée à ses oreilles, elle avait secoué ses ravissantes boucles blondes, éberluée, puis conclu que la femme qui l’assaillait souffrait, à un doigt d’éprouver de la compassion envers cette infortunée qui broyait du noir au point de devenir inique et vulgaire.

Ève ne comprenait pas la méchanceté. Et, comme ce qui la déstabilisait relevait forcément de la méchanceté, elle haussait les épaules, sourde aux reproches, poursuivant son chemin d’émerveillement. Pourquoi aurait-elle perdu son temps à connaître (ou connaitre) l’inconnaissable ? Elle n’était pas idiote, tout de même !

Le soleil chauffait les arbres de la place et les oiseaux murmuraient, telle une eau frémissante.

– Quelle jolie matinée !

SCHMITT, Éric-Emmanuel, Les Perroquets de la place d’Arezzo, Paris, Éditions Albin Michel, 2013.